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se manifeste pas moins par la décision d’autrui que par notre propre attrait ; quand Dieu ne donne rien au dedans pour attirer, il donne au dehors une autorité qui décide. » Une autorité qui décide, voilà ce qu’il a été toute sa vie pour le duc de Bourgogne. L’objet de l’éducation, telle que nous la comprenons aujourd’hui, est non de briser la volonté chez l’enfant, mais de l’aider à la régler ; non de le maintenir incessamment en tutelle, mais de le préparer à l’affranchissement. Kant demande même que le maître ne fasse pas trop sentir sa supériorité, afin que l’enfant se sente plus libre de se former. Ce n’est pas ainsi qu’en usait Fénelon. Il prévient de loin son élève, il le préoccupe, pour me servir de ses expressions si fortes, c’est-à-dire qu’il s’en empare avant tout le monde. Afin de mieux posséder le petit prince, il s’était réservé presque exclusivement son éducation proprement dite : l’abbé Fleury et l’abbé Langeron paraissent n’avoir participé qu’à son instruction. Bien plus, il semble qu’il l’ait isolé de toute camaraderie d’enfance et de jeunesse. Bossuet, touché de la nécessité de mettre le dauphin en rapport d’émulation et d’ouverture de cœur avec des écoliers de son âge, avait fait admettre auprès de lui quatre enfants, qu’on appelait les enfants d’honneur ; plus tard, deux pages, qui accompagnaient partout Monseigneur, faisaient assaut avec lui d’intelligence et de mémoire ; plus tard enfin, les deux princes de Conti étaient devenus ses compagnons familiers. On ne voit guère que le duc de Bourgogne frayât avec ses deux frères, bien qu’ils reçussent les mêmes leçons que lui ; pendant les six ans qu’il appartint à son précepteur, il ne connut presque d’autre compagnie que la sienne. Ce goût du particulier