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Il les engage dans l’exercice de toutes les petites vertus, fondements des autres. « J’aime mieux, dit-il, voir une jeune fille régler les comptes de son maître d’hôtel qu’entrer dans les disputes des théologiens. » On conçoit qu’à la veille de l’explosion du quiétisme il prît soin de garder les femmes de la théologie ; bien lui eût pris de les en garder toujours ! Nous avons vu toutefois qu’il ne se refuse pas à appeler leur pensée sur des soins d’un ordre élevé. Ce qu’il veut, c’est que la vie active en reste le centre principal et le foyer.

On considère volontiers l’image qu’il a tracée dans le Télémaque[1] sous le nom d’Antiope comme l’expression vivante de l’idéal dont il avait dispersé les traits dans l’Éducation des filles. « Antiope est douce, simple et sage ; ses mains ne méprisent point le travail ; elle prévoit de loin ; elle pourvoit à tout ; elle sait se taire et agir de suite sans empressement ; elle est à toute heure occupée ; elle ne s’embarrasse jamais, parce qu’elle sait faire chaque chose à propos ; le bon ordre de la maison de son père est sa gloire ; elle en est plus ornée que de sa beauté. Quoiqu’elle ait soin de tout et qu’elle soit chargée de corriger, de refuser, d’épargner (choses qui font haïr presque toutes les femmes), elle s’est rendue aimable à toute la maison : c’est qu’on ne trouve en elle ni passion, ni entêtement, ni légèreté, ni humeur, comme dans les autres femmes. D’un seul regard elle se fait entendre, et on craint de lui déplaire ; elle donne des ordres précis ; elle n’ordonne que ce qu’on peut exécuter ; elle reprend avec bonté, et en reprenant elle encourage. Le cœur de son

  1. Livre XVII.