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cela sans nous, et par tout cela vous devez nous dominer. Mais, sans nous, vous ne seriez ni vertueux, ni aimants, ni aimables, ni heureux ; gardez donc la gloire et l’autorité dans tous les genres, nous ne voulons avoir d’empire que par les mœurs… » Était-ce modestie de polémique, modestie feinte ? Nullement. Mme Roland écrivait beaucoup, nous venons de le voir. Sa plume lui était un soulagement. Elle lui servait en même temps à éclaircir ses idées et à conserver des témoignages comparatifs de ses sentiments : sous le titre d’Œuvres de loisir et réflexions diverses, elle s’était fait des recueils de ses pensées. Mais elle ne les communiquait qu’à ses amies. « Tel vrai qu’on puisse dire de la facilité des femmes, ce n’est jamais pour le public, » à son sens, « qu’elles doivent avoir des connaissances et des talents. » Pour rien au monde, elle n’aurait voulu être « une constellation, une femme en us, une femme auteur ; elle se serait plutôt mangé les doigts. » Et ce n’est pas seulement parce que les femmes ne peuvent que perdre à ce titre, parce que la critique s’empare de leur personne et leur fait payer la réputation que leur talent leur vaut par l’éclat qu’elle donne à leurs défauts ; c’est surtout qu’elle avait de bonne heure conçu « de l’application des talents des femmes » une idée grave et élevée.

« Est-ce donc pour briller aux yeux comme les fleurs d’un parterre et recevoir quelques vains éloges que les personnes de mon sexe sont formées à la vertu ? se demandait-elle. Que m’importent les regards curieux, les compliments doucement murmurés d’une foule que je ne connais point et qui est peut-être composée de gens que je n’estimerais point, s’ils m’étaient connus ? Suis-