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que Montesquieu écrivait en tête de l’Esprit des Lois : « Prolem sine matre creatam. » Il s’était formé avec le temps (et pouvait-il en être autrement ?) tout un trésor d’observations sur les femmes, observations empruntées à la vie des cloîtres ou à la vie des cours, au théâtre ou au sermon, conçues parfois dans un sentiment de défiance malicieuse ou de galanterie exaltée, le plus souvent judicieuses et sagaces. Mais Fénelon est le premier qui, embrassant le sujet dans un examen d’ensemble, ait réuni en une sorte de code les prescriptions propres à élever la jeune fille depuis le moment où ses instincts s’éveillent jusqu’à l’âge où le développement de ses facultés permet de la livrer avec sécurité à la vie commune ; le premier surtout qui ait fondé ce code sur une étude psychologique de l’enfant. Les Lettres de saint Jérôme, riches en conseils délicats et sensés, mais ramenés à un objet unique — la vie intérieure et la religion, — n’ont ni l’ampleur de vues ni l’esprit de suite qui constituent proprement l’art de l’éducation ; les Entretiens d’Érasme, semés de traits justes et brillants, mais de traits pris du dehors, pour ainsi dire, ne sont, à proprement parler, que des manuels de politesse, ou, comme il les appelait lui-même, des Civilités ; le traité de Fénelon est, dans toute l’étendue du sens que nous attribuons aujourd’hui à ce terme, une œuvre de pédagogie. Non seulement « il réunit dans son mince volume plus d’idées exactes et utiles, plus de remarques fines et profondes, plus de vérités pratiques que les ouvrages écrits depuis sur le même sujet » (M. de Bausset) ; mais ces idées, ces remarques, ces vérités sont rattachées à des principes qui donnent aux moindres observations que l’auteur en