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militaires comme d’Essales, un bavard qui dans sa campagne du Canada se tenait toujours à cent lieues du canon, ces tristes magistrats comme Vougland, un fanatique d’une révoltante intolérance, se crussent les appuis de la société civile » ? À Versailles, elle en était arrivée à mieux aimer voir les statues des jardins que les personnes du château ; et comme sa mère lui demandait si elle était contente du séjour : « Oui, répondait-elle, pourvu qu’il finisse bientôt ; encore quelques jours et je détesterai si fort ces gens que je ne saurai que faire de ma haine. — Quel mal te font-ils donc ? — Sentir l’injustice et contempler à tout moment l’absurdité. » Ne semble-t-il pas que c’est Rousseau qui parle ? Mme Roland ne rappelle pas seulement les emportements austères du maître ; elle en a la modestie ombrageuse et hautaine. Il ne lui suffit pas d’être accueillie comme tout le monde ; les compliments de simple politesse la blessent ; elle entend qu’on la distingue, — nous ne parlons ici que de sa jeunesse, du temps où elle ne comptait encore que pour elle-même ; — et si on ne lui témoigne pas les égards qu’elle se croit dus, quel que soit le personnage, c’est elle qui par sa retenue froide et silencieuse marque la distance et se garde. Plus tard, élevée par la fortune de son mari et par son propre mérite, elle a cependant, s’il faut l’en croire, « longtemps encore conservé la plus entière bonhomie sur son propre compte. » Mais « le train de la Révolution, le mouvement des affaires, la variété de ses situations, la fréquence des comparaisons dans une grande foule et parmi les gens estimés pour leur valeur, lui ont fait apercevoir que le gradin où elle se trouvait n’était pas fort surchargé de monde. »