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de l’ancien régime. Tout lui est matière « à fixer ses méditations sur ce point. » Le privilège l’étonne et l’irrite. Elle a l’âme plébéienne et révolutionnaire : c’est la première passion qu’elle tient de Rousseau. Ne reconnaissant d’autre supériorité que celle du mérite, d’autre grandeur que celle de la vertu, elle ne comprend pas que la naissance ou la fortune, sans titres personnels qui les soutiennent et les accréditent, donne droit à des prééminences et à des distinctions. Tout enfant et avant de pouvoir encore se rendre compte, elle remarque, dans une visite chez une dame dont les airs de protection la suffoquaient, que sa bonne maman n’a qu’une chaise tandis que la dame est sur le canapé, et elle voit « terminer la visite comme on reçoit un soulagement à l’instant de la souffrance » ; elle n’a rien oublié de son petit voyage au château de Soucy, où le mari de sa grand’tante avait occupé un emploi d’intendant, ni de « la politesse malhonnête » avec laquelle la châtelaine, « une parvenue par les fermes, » l’avait invitée avec sa mère à dîner à l’office ; à vingt ans de distance, elle se rappelle avec détail, comme si ce souvenir datait de la veille, son séjour au palais de Versailles sous les combles, dans le même corridor obscur et voisin des lieux d’aisances que celui de l’archevêque de Paris, le « rigoriste Beaumont, » et elle s’indigne « qu’un duc et pair s’honore d’occuper un grenier pour être plus à portée de ramper chaque matin au lever des Majestés. » Les relations de son père, graveur de profession, comme on sait, lui avaient ouvert le monde des beaux-arts, alors également dominé par le préjugé et la vanité ; et sa fierté ne se trouvait pas moins mal à l’aise chez Mme Lépine ou chez Mme