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forme de modestie irritante : me sera-t-il permis de citer ? Cette habitude trahit chez Mme de Lambert autre chose qu’un certain manque de goût. Il est clair qu’elle ne suffit pas à elle-même. Sa pensée a besoin d’être mise en éveil, entretenue, fécondée par celle des autres. C’est ainsi que s’expliquent au fond ces emprunts trop fréquents ; et de la place qu’elle leur donne comme du soin trop étudié avec lequel elle poursuit l’effet, il résulte une espèce de malaise et presque d’impatience qui, sur le moment, nuit à l’impression.

Le sentiment général cependant reste fortifiant et salutaire, parce qu’en dépit des apparences on sent partout circuler le souffle pur de la vie morale. Il en est un peu de la forme que Mme de Lambert donne à ses leçons comme des principes sur lesquels elle les appuie. Les calculs d’intérêt mondain et les coquetteries de bel esprit sont à la surface ; le fond est sain. C’est par les petits sentiers, par les sentiers gazonnants et doux fleurants de Montaigne qu’elle s’achemine, comme elle disait, vers le temple de la Sagesse ; mais elle y arrive à son heure. Même alors qu’elle se joue, elle tient le cœur haut. Ce n’est pas seulement son fils qu’elle engage dans les ambitions généreuses. Elle parle le même langage à sa fille. « Dans toutes vos entreprises et vos actions, lui dit-elle, tendez au plus parfait ; ne faites aucun projet, ne commencez rien sans vous dire à vous-même : ne pourrais-je pas mieux faire ? Insensiblement, vous acquerrez une habitude de la vertu » ; et si elle lui recommande les anciens pour modèles, c’est qu’on hasarde moins avec les exemples de l’antiquité qui, d’ordinaire, n’ont rien que de grand. Ni à l’un ni à l’autre elle n’impose rien, « les règles et les