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elle ne craint rien tant que l’abus du droit de l’épée : cet amour de la gloire qu’elle a éveillé en lui, elle s’attache de tout son effort à le discipliner et à l’épurer. « On ne peut augmenter à la fois en sagesse et en fortune, » et elle a fait choix de la sagesse. La valeur commence les grands noms ; mais ce sont les autres vertus qui les consacrent. Ce n’est même pas assez pour elle d’être doué d’heureuses qualités : il faut « en avoir l’économie, » c’est-à-dire la conduite. Chose singulière, la conception qu’elle s’est faite de la vie est absolument étrangère, presque contraire, aux entraînements et aux agitations ordinaires de l’ambition. Elle distingue dans le monde deux sortes de fous : ceux qui sacrifient le présent à l’avenir et ne se soutiennent que d’espérances, ceux qui sacrifient l’avenir au présent et épuisent au jour le jour toutes leurs ressources : les uns et les autres toujours ardents ou inquiets. De ces deux genres de folies elle rapproche la sérénité de l’homme qui règle sa vie pour en jouir ; qui a reconnu que nos pires ennemis nous font moins de tort que nos défauts, et que trop souvent nous employons la première partie de notre existence à rendre l’autre misérable ; qui rend au monde ce qu’il convient de lui rendre, mais qui se tient en garde contre « la mollesse et l’amusement » ; que le sentiment de son indépendance n’abandonne jamais ; qui ne veut point n’être heureux qu’autant qu’il plaît aux autres, et qui sait se reprendre pour étudier et méditer ; qui a appris de bonne heure à se craindre plus que personne, et fait de la bonne conscience sa vraie gloire, ses délices. — Quand une mère tient ce langage à son fils, quand au-dessus de tout elle place le souci de cette vie intérieure