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la géométrie, s’ajustant à tous les entretiens et y répandant d’un mot la clarté de sa pénétrante et fine intelligence.

L’esprit, tel était le lien du salon de Mme de Lambert. C’est par là que, de l’aveu commun, il se distinguait de tous les autres. Point de grandes nuits comme à Sceaux, point de nuits blanches comme à Vaux-Villars, point de soupers suivis ou précédés de séances de jeu comme chez les financiers où « tout était riche, poli, orné, tout hors l’âme du maître. » La santé de Mme de Lambert lui interdisait les veilles. N’eût-elle pas eu cette raison à donner aux autres, elle se fût préservée par sentiment de discipline. C’était le temps où la duchesse de Vendôme et la duchesse de Berry s’enivraient chaque soir ; où la duchesse du Maine faisait le biribi avec ses gens la nuit entière ; où la maréchale de La Ferté rassemblait après souper autour d’une grande table tous ses fournisseurs, pour leur regagner au lansquenet, en trichant, ce qu’ils lui avaient volé ; où la fille du Régent, Mlle de Valois, traversant la France pour aller rejoindre le duc de Modène qu’elle venait d’épouser, se faisait préparer des relais de jeu et trouvait à chaque station des partenaires qui l’attendaient. Après la Palatine, qui s’amuse de ces débauches, je ne sais personne qui les ait décrites avec plus de force pour les flétrir que Mme de Lambert. Son salon était le salon des bienséances, « le seul, à peu d’exceptions près, dit Fontenelle, qui se fût garanti de la maladie épidémique des cartes, le seul où l’on se trouvât pour parler raisonnablement les uns aux autres et même avec esprit, selon l’occasion. » Les mardis, détail caractéristique et qui à lui seul explique bien des choses, étaient