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c’est que cette éducation qu’elle réclamait pour les femmes, elle se l’était elle-même donnée. « Renvoyée à moi-même, écrivait-elle, j’ai pensé à tirer de moi seule mes amusements, mes appuis, ma force. » Et elle avait le droit de se rendre ce témoignage. On ne se la représente d’ordinaire que dans le repos et l’éclat du salon qu’elle a si longtemps gouverné ; on oublie que, lorsqu’elle l’avait ouvert, elle comptait plus de soixante ans[1]. La vie jusque-là ne l’avait point épargnée. Il est peu probable qu’elle ait connu celui dont elle avait reçu le nom, — Étienne de Marguenat, seigneur de Courcelles, maître ordinaire en la chambre des Comptes ; — hébété par ses infortunes domestiques, il était mort moins de deux ans après qu’elle avait vu le jour. Mais on est autorisé à penser que l’exemple de sa mère, dont les mœurs avaient défrayé la chronique scandaleuse de Tallemant, contribua à lui inspirer pour la vie licencieuse cette sorte de dégoût mêlé de tristesse qui est un des caractères de sa morale ; et si Bachaumont, qui avait épousé Mme de Courcelles en secondes noces, non sans avoir anticipé peut-être sur ses droits, dut concourir à développer en elle l’amour de l’étude, on ne peut guère douter qu’elle y fût portée par le besoin de se faire à elle-même une vie personnelle et de défense contre les dissipations dont elle avait le spectacle sous les yeux. Fontenelle raconte que, « toute jeune, elle se dérobait souvent aux plaisirs de son âge, pour aller lire en son particulier, et qu’elle s’accoutuma dès lors, de son propre mouvement, à faire des extraits de ce qui la frappait le plus : c’étaient déjà ou

  1. Née en 1648, Mme de Lambert est morte le 12 juillet 1733, dans sa quatre-vingt-sixième année.