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de l’âme, Mme de Maintenon va jusqu’aux limites extrêmes de la fermeté. « ll faut apprendre aux demoiselles à aimer raisonnablement, comme on leur apprend autre chose. Ce n’est qu’en se faisant aimer sans doute qu’on se fait obéir ; mais on ne se fait vraiment aimer qu’en se faisant estimer. » L’attachement au devoir, à la justice, à la raison, aux vérités utiles, l’amour du bien pour le bien, voilà les fondements de la discipline que l’on respecte : la solidité dans la conduite d’abord, les douceurs du sentiment après, quand elles ne peuvent plus être nuisibles et pourvu qu’elles ne sortent jamais de la mesure.

Un troisième devoir essentiel s’imposait aux maîtresses à l’égard des demoiselles : la sincérité.

L’adoption de Saint-Cyr était une adoption complète. On ne demandait aux familles ni sacrifice ni concours ; à peine les laissait-on voir leurs enfants quatre fois l’an, au parloir, en présence d’une surveillante ; et cette sévérité qui nous étonne avait, comparativement à la règle des couvents, un caractère de tolérance. Mais quels pouvaient être les résultats de ces visites, alors même qu’il s’y joignait de temps à autre des lettres, toujours soumises d’ailleurs à un contrôle ? Les demoiselles appartenaient à la maison qui, pendant dix ans pour le plus grand nombre, pendant treize pour quelques-unes, les possédait tout entières. C’était donc un devoir d’honnêteté rigoureuse de les éclairer sans complaisance. D’ailleurs il ne s’agissait pas seulement d’elles-mêmes. Religieuses ou séculières, elles devaient servir à répandre dans le royaume l’éducation qu’elles recevaient ; chacune d’elles était une semence de vertu : seconde et puissante raison pour les