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des idées que bien peu, parmi les meilleurs esprits de son temps, étaient en état de concevoir. C’est dans les premières années du dix-huitième siècle qu’elle écrivait : « Quand on ne marquera jamais de mépris pour la bourgeoise et pour la paysanne, elles souffriront qu’on ne les traite pas en demoiselles ; quand la grande demoiselle peignera la bourgeoise qui est trop petite pour le faire elle-même, les autres verront que c’est la raison qui la fait agir et non pas la hauteur ; quand la demoiselle montrera à lire à la bourgeoise, la bourgeoise se portera à rendre service à la demoiselle. » Mme de Maintenon élevait le cœur des demoiselles au-dessus des préjugés et des passions. La mère de deux d’entre elles ayant eu la tête tranchée pour crime politique, elle prenait sa défense, s’opposait au renvoi des enfants qui lui était demandé, et entrait presque en colère à la seule pensée qu’elles pussent être moins honorées, moins aimées que les autres : «Quoi ! nous laisserons croire que le crime passe aux enfants et nous ne donnerons pas à nos filles les vraies idées qu’il faut avoir sur chaque chose ! » C’étaient là les enseignements dont les demoiselles de Saint-Cyr remportaient dans leur province l’impression salutaire, et n’y a-t-il pas quelque raison de penser qu’en les répandant autour d’elles, elles contribuèrent à faire entrer une partie de la noblesse dans ce grand courant de générosité sociale qui, dans l’histoire, a pris le nom d’esprit de 1789 ? Peu soucieuse, trop peu soucieuse de faire remonter les élèves dans la vie du passé, Mme de Maintenon n’hésitait pas à les associer aux préoccupations les plus graves du présent. À quatre-vingt-deux ans, dans une sorte de leçon d’histoire contemporaine, elle leur traçait en quelques traits