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elle-même. « Il est bien juste que j’en souffre, écrivait-elle, puisque j’y ai contribué plus que personne. Mon orgueil s’est répandu par toute la maison, et le fonds en est si grand, qu’il l’emporte par-dessus mes bonnes intentions. Dieu sait que j’ai voulu établir la vertu à Saint-Cyr ; mais j’ai bâti sur le sable. J’ai voulu que nos filles eussent de l’esprit, qu’on leur élevât le cœur, qu’on leur formât leur raison. Elles ont de l’esprit et s’en servent contre nous ; elles ont le cœur élevé et sont plus hautaines qu’il ne conviendrait de l’être aux plus grandes princesses ; à parler même selon le monde, nous avons formé leur raison et fait des discoureuses, présomptueuses, curieuses, hardies ; c’est ainsi qu’on réussit quand le désir d’exceller vous fait agir. »

Sa résolution fut bientôt arrêtée. L’action s’exerça d’abord sur les demoiselles dans le détail même de leurs études et de leur vie. On visita les classes, on examina les livres et les cahiers, pour ne laisser rien subsister de ce qui pouvait exciter la pensée ; les Conversations de Mlle de Scudéry furent proscrites ; Racine fut sacrifié à Duché. On s’en prit jusqu’à l’uniforme ; les choux furent supprimés, les provisions de rubans réduites et ramenées par quartier de trois aunes à deux, puis à une. Ce n’était là d’ailleurs qu’un prélude à la révolution qui se préparait. Il fallait atteindre les sources où s’alimentait l’esprit de Saint-Cyr. Dès la fin de l’année 1688 Mme de Brinon avait été écartée ; elle n’était point faite même pour la contrainte si douce des premières règles de Noisy : elle ne s’était jamais désintéressée des louanges du monde, se plaisait à les provoquer, et « inspirait aux novices ses idées