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occasion de lui donner un bon conseil ou de l’emmener bien loin, en Bretagne, quand les mauvaises liaisons risquent de devenir trop menaçantes. Après l’éloignement de Mme de Grignan, elle n’est jamais aussi heureuse que lorsqu’elle le tient ; elle lit avec lui ou marque dans ses livres les pages qu’elle veut lui faire lire : « il n’y a rien de bon, ni de droit, ni de noble qu’elle ne tâche de lui inspirer ou de lui confirmer, » et « elle lui sait gré d’entrer avec douceur et approbation dans tout ce qu’elle lui dit » : il a tant d’esprit, elle le trouve si divertissant ; la Providence, entre les mains de qui elle s’en remet, fera bien pour lui quelque chose ! À la veille de son départ pour l’Allemagne, où il va rejoindre son régiment, c’est celle qui prépare et qui fait partir son équipage. Le rapide avancement qu’il obtient satisfait son amour-propre, sans calmer son cœur ni remplir son sentiment. Elle n’a certainement aucun plaisir à le voir à la tête de ses escadrons. L’idée des congés dont il a besoin l’enchante. Elle voudrait que le rhumatisme dont il souffre fût universel, afin de pouvoir lui rendre toute sorte de soins. Mais elle ne se dissimule pas qu’elle ne le possède jamais qu’à moitié et qu’elle « sent mille fois plus l’amitié qu’elle a pour lui qu’il ne sent, lui, celle qu’il a pour elle. »

Elle n’est pas beaucoup plus assurée de la place qu’elle tient dans le cœur de sa fille. Il n’était rien qu’elle ne lui eût sacrifié : c’est une immolation de tous les jours, une préoccupation de tous les moments : elle