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de la dépense, elle ne prononce pas une seule fois le nom de son père. Ce qu’elle put connaître de sa vie fut certainement pour beaucoup dans la méfiance qu’elle professait à l’égard des hommes.

C’est sous des traits bien différents que nous apparaît sa mère à travers les documents, d’ailleurs fort restreints, que nous possédons sur son compte. Jeanne de Cardilhac avait l’esprit ferme, le sens droit, le cœur haut. Aucune souffrance morale, aucune privation ne lui avait été ménagée. À peine mariée, elle avait dû provoquer, entre elle et Constant, une séparation de biens ; mais elle n’en était pas moins restée attachée au sort de son mari, et pendant dix ans elle n’avait guère fait que changer de prison avec lui. Cependant la nécessité lui avait imposé le devoir, pour elle et pour ses enfants, de disputer le peu d’aisance auquel elle croyait avoir droit du chef de Constant : elle était allée s’établir à Paris, dans un petit logement au fond de la cour de la Sainte-Chapelle, afin d’être plus à portée des gens de loi à qui elle avait affaire. Ses démarches n’aboutissant pas, Mme de Villette lui reprochait son séjour, ses dépenses, presque sa conduite ; et elle lui répondait, dans une lettre pénétrée d’amertume : « Vous saurez donc qu’il y a plus de dix-huit mois que je vis ici par la Providence seule de Dieu et roule de si peu que cela n’est pas croyable. Je vous en donnerai de bons témoignages, n’ayant pas reçu depuis ce temps-là cinq cents livres, tellement que je me suis trouvée sans un sol, devant à tout le monde, trois quartiers de la maison où j’étais, à boulanger et autres gens. Je vous laisse à penser ce que je pouvais faire ; mais, comme j’ai appris de longue main que de deux maux