Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’inconnu étouffa l’embrasement dans la pression de ses mains.

— Comment ai-je pu, s’écria Martin revenu de sa frayeur, embraser ainsi ma robe de bure ?

— C’est que, lui répondit froidement l’étranger, « il faut se garder d’attiser le feu lorsqu’on est comme vous habillé de bure. »

— Docte Érasme ! n’est-ce pas votre voix ? Que je vous reconnais bien là ! Vous ne rendez jamais un service sans l’accompagner d’une méchanceté.

— Ce sont deux services pour un.

Effectivement, c’était Érasme, qui, pour un bon mot, serait allé à pied au bout du monde.

Pour faire celui-là, il est très-possible qu’il eût mis lui-même le feu à la soutane de frère Martin.

Cette mascarade était la plus profonde révolution dont le monde moderne ait été témoin.

En brûlant les propositions du légat romain, Luther avait à tout jamais anéanti la souveraineté de Rome sur l’Allemagne. L’Allemagne n’était plus catholique.

Lorsque le remède au mal était encore possible, si l’on eût fait cardinal ce terrible moine, le pouvoir politique et le pouvoir religieux n’eussent pas perdu la plus large moitié de leur couronne.

Il existe encore plus d’un Luther, de même qu’il est plus d’un imbécile Léon X sur le trône.


FIN DES VENDANGES.