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de feu, faisaient ressembler son pauvre et mouvant échafaudage au trône des rois. Le trône des rois s’appuie sur des pattes de panthère coulées en bronze. Là les panthères sont vivantes.

Il y avait aussi parmi ceux-là, mais debout, appuyé contre un des supports, un jeune homme à la figure calme comme la patience, belle du rayon d’espoir qu’elle attendait de celui dont le front lançait tant de flammes et de foudres ; il aurait eu assez de domination pour écarter avec sa longue épée et son regard quiconque aurait approché de ce moine. C’était Ulrich.

Déjà les flammes du bûcher se découpaient en crêtes sur la place. Elles commençaient même à importuner beaucoup l’orateur augustin, qui, n’étant arrivé ni à son dernier argument contre le légat ni à sa dernière injure contre Rome, aurait plutôt consenti maintenant à laisser brûler son nez qu’à descendre.

Et tandis que Boccold, qui n’avait pas compris dans le divertissement auquel il s’était jusqu’ici prêté de si bonne grâce la vexation et la brûlure, s’agitait dans un cratère de cendres chaudes, d’étincelles et d’éclats de bois embrasés, frère Martin ajouta victorieusement :

— Et dans ces palais savez-vous qui ils logent ? dans ces jardins qui ils promènent ? sous ces arbres avec qui ils s’entretiennent ?

Le faux légat trépignait dans la fumée, commençant à se repentir de cette parodie qui allait finir par une triste réalité pour lui.

— Ah ! ah ! répéta-t-on. Tu as de belles femmes ?

— Par Satan, riposta Boccold irrité par la douleur, vou-