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Dans l’attitude où ils s’étaient placés, les habitants virent défiler le cortége, ou, pour parler plus saintement, la procession.

Quelle procession ! et comment au milieu du carême, pour le rappeler encore une fois, comment le peuple le plus soumis à l’Église, sinon le plus dévoué, comment la nation dont les souverains ajoutent si précieusement à leurs titres celui de roi des Romains, avait-elle osé parodier les cérémonies romaines avec cet éclat, cette pompe, cette magnificence de ridicule ?

Quatre hommes, simulant quatre porte-flambeaux, élevaient en guise de candélabres quatre poutres perpendiculaires. Ils étaient sérieux.

Après les porte-flambeaux, flottaient les bannières de la cathédrale : des chemises d’hommes, écartelées par le haut et par le bas sur des lattes ; aux manches de ces chemises s’attachaient des cordes qui tenaient lieu de cordons de soie. Les glands, c’étaient des pots de bière vides. Venaient ensuite les lévites dont les encensoirs étaient représentés par d’énormes pierres fixées dans des nœuds de fronde. Quels lévites ! noirs, barbus, puant le soufre et le poisson, pour la plupart pêcheurs ou mineurs. Les plus adolescents avaient quarante ans.

Les évêques suivaient : pour crosse, ils portaient des gourdins ferrés, pour mitres des cornes de bœuf, pour barbe la queue d’une vache ; ils avaient trempé leurs mains dans l’encre afin d’imiter la teinte des gants épiscopaux. Ils y étaient mal parvenus.

Le chapeau rouge des cardinaux était suppléé par des chapeaux de lansquenets et du hallebardiers.