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La chanson diminua comme une goutte au fond d’un verre ; il n’en resta que le parfum dans le cabaret.

— À nous ! dirent les étudiants. Voici l’heure ! Tavernier, notre compte ? Bonne chance !

Et le cabaret fut tranquille et désert comme auparavant.

— Écoutez, reprit l’étranger avec une obstination qui commençait à chagriner le Vénitien, secoué par la scène des étudiants, vous me demandiez deux frédérics d’or pour me délivrer de mes péchés de l’année courante : vous avez eu trop bonne opinion de moi. Devenu vendeur d’indulgences à mon tour, car je vous ai prouvé que je pouvais tout aussi bien que vous m’établir marchand d’âmes, je ne veux être envers vous ni plus généreux ni plus avare, ce serait vous faire affront ; je ne vous demande donc que deux frédérics d’or pour vous racheter de vos péchés mortels ou non. Les petits iront dans les gros.

— Saint Marc et saint Nicolas ! Vous ne me paraissez plus un imbécile du tout, seigneur étranger !

Les yeux du Vénitien avaient pris une étrange expression d’étonnement. Ils ressemblaient à deux boucles d’acier.

— Je suis pourtant né de l’autre côté du Rhin. Acceptez-vous ?

— Mais qu’y gagneriez vous ? quel profit y trouverais-je ? puisque c’est égalité de péchés contre égalité de péchés parité de somme contre parité de somme ?

— Doucement qui peut vendre a le droit de donner, de détruire, et avec autant de raison celui de jouer. En douteriez-vous ?

— Non, seigneur.

— Jouons donc ! voulez-vous ? mes péchés contre les