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— Mais s’ils allaient se tuer !

— Pas encore ; ils sont trop en colère.

— Je ne veux pas me fâcher, mes agneaux ; Spickenhintern est doux. Mais trouvez bon le conseil qu’il vous donne, rentrez chez vous ; n’allez pas sur la grande place vous faire frotter les oreilles, déjà assez rouges par le froid.

— Nous irons où il nous plaira.

— Et nous, où on nous l’ordonnera.

— Nous ne vous parlons plus.

— À votre aise ! je vais chanter.

Et le lansquenet se prit à chanter d’une voix de tonneau qui sonnait creux comme avant les vendanges, ce couplet d’une chanson de cantonnement :

Oui, lansquenet, pour vous plaire,
Frappant de taille et d’estoc,
J’ai dans la guerre,
Pour cœur un roc,
Pour verre
Un broc.

Large, à la base, étroit par le pied, ce couplet avait la forme d’un verre à boire. Il faisait merveilleusement lorsqu’on le chantait en buvant : le vin, le verre et la chanson descendaient dans le gosier. Le compagnon du lansquenet aurait mêlé sa voix à celle de son chef s’il n’était tombé sous la table : il fermentait.

Après son petit couplet, le joyeux chanteur reprit sa lance et sortit en répétant :

J’ai dans la guerre,
Pour cœur un roc,
Pour verre
Un broc.