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Les innombrables petites cellules dont les croisées donnaient à l’intérieur, dardaient des rayonnements rougeâtres à travers des couches de brume sur le tapis de neige qui cachait le pavé de la cour. Aucun souffle d’air n’agite ces traînées lumineuses, ne soulève les flocons de ce manteau d’hermine, au milieu duquel se dessine une croix, celle du clocher dont l’ombre se teint en noir sur la neige ; on dirait un manteau d’électeur. On aperçoit, en s’approchant des fenêtres à fleur de sol, les travaux auxquels les moines ont l’habitude de se livrer pendant la veillée, et avant que l’heure ne les appelle au dortoir. Derrière la toile transparente et gommée, remplacée plus tard par des carreaux de Bohême, on distingue ceux qui, la scie ou le rabot à la main, équarrissent le chêne ; plus loin ceux qui le façonnent en tables, en siéges ou en bahuts. Poussé par un pied infatigable, ici le tour fait voler sous le ciseau des rubans de sapin, et achève de soumettre à une forme torse, mais ravissante d’évidement, des colonnettes de lit. La rougeur enflamme des fronts pieux courbés sur la ciselure d’un panneau en noyer où revit en relief quelque mystère de l’ancien testament. Dans un angle de l’atelier grimace, sous le poinçon d’un artiste calme et tonsuré, quelque gorgone horrible destinée à vomir pendant mille, ans l’eau de la pluie du haut d’une cathédrale. Du silence partout. Au milieu d’un nuage de sciure des robes noires traînent. L’horloge de sable indique les minutes d’un temps si utilement rempli.

Autres croisées, autres ateliers. Cet atelier appartient aux moines relieurs. Suspendues au plafond sur des ficelles, des peaux attendent le moment où le battoir les polira.