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des Grâces à un autre moine en tirant le rideau de soie de la chapelle de saint Augustin.

— Dieu vous entende, frère Müller, répondait l’autre moine enfermant dans leur armoire, en sa qualité de chantre, les statues de bois peintes et dorées, placées derrière le maître-autel ; mais les vénérables pères ne paraissent pas édifiés du sermon de notre recteur.

— Oui, ceux qui espèrent devenir évêques ont crié contre le scandale de cette prédication ; mais on les laisse chanter. Faut-il que des renards italiens, aux dents blanches, au museau pointu, viennent nous enlever nos pécheurs sous le nez, comme si nous n’étions pas tout aussi capables qu’eux de les sauver ?

— D’autant mieux, frères Müller, que nos prix ne sont pas très-élevés. Mais de tout temps cela, a été ainsi ; les étrangers seuls sont prophètes. Comme on s’aide peu dans cette ville d’égoïsme ! S’il se commet un péché, c’est un Italien qui en profite. Le pays n’est pas déjà si riche pourtant.

— Ah ! s’il n’y avait que notre saint couvent sur la terre, comme tout n’en irait que mieux !

— Et que nous fussions, vous, frère Müller, l’archevêque de Mayence, et moi le saint-père !

— Moi, archevêque de Mayence !

Les deux moines soupirèrent ; ils auraient poursuivi leur rêve, si la cloche n’eût appelé l’archevêque de Mayence et le saint-père pour réciter l’office des morts sur le corps du père Staupitz. Ils prirent chacun une lampe et se dirigèrent vers la porte intérieure du cloître, le long des nefs désertes et sonores, traînant leurs souliers sur les dalles