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vement général, achevait, dans son horrible chute, de tourner et de s’éteindre.

Ulrich frappa sur l’épaule d’un vieux mineur, qui s’éveilla en sursaut.

— Serais-tu heureux d’être celui qu’on affranchira ?

— Seigneur, répondit le vieillard, je suis libre.

— Et tu restes ici ?

— Oui ; je m’y plais.

— Mais le bonheur de marcher ?

— Je ne puis plus me mouvoir, depuis que j’ai tant travaillé dans cette mine.

— Mais la joie de voir le ciel ?

— Je suis aveugle ; je le vois dans mon âme ; celui-là est sans tempêtes.

— La joie de fréquenter ses amis, ses parents ?

— Je n’ai plus qu’une amie ; n’est-ce pas, Marguerite ?

Le vieux mineur tira de sa léthargie une femme assise à ses côtés.

— Est-ce là ta femme ?

— Oui, je suis sa femme, Marguerite Lindermann.

— Dieu vous en envoie une aussi bonne, mon fils ! reprit le mineur.

— Oui, mais un peu plus féconde que moi, si c’est possible ; car votre glorieux nom courrait risque de s’éteindre.

— Vous n’avez donc pas beaucoup d’enfants ?

— Un seul ; un garçon ; bon fils.

— Est-il avec vous, ici, dans cette mine ?

— Non ; l’état ne lui a pas convenu. Après en avoir essayé, pour obéir à son père ; il a suivi sa vocation, que nous n’avons plus contrariée ; il est moine.