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Ce furent des cris d’une ivresse sauvage. On se disputa l’honneur de saluer le fils du graf Eberstein, qui, un peu étonné de cet accueil, un peu ému de l’aspect de ceux qui le lui prodiguaient, semblait, avec ses membres délicats, ses mains blanches posées au-dessus de ces crinières comme pour les bénir, avec sa chevelure blonde agitée par le vent des torches qui fumaient près de ses joues, un être surnaturel tombé au milieu de l’enfer, un sylphe au milieu des gnomes.

« Fils d’Eberstein, les serfs de votre père vous souhaitent de longs jours de prospérité, et saluent votre présence au milieu d’eux. »

Et un autre : « Vous êtes le rayon du soleil qui perce la terre, et qui du bloc de charbon fait un diamant. »

Un autre : « Vous êtes le filon d’argent pur que nous cherchons sans jamais le trouver. Il vient toujours avec la boue. »

— Amis, répondait Ulrich, mon père, Dieu prolonge ses jours ! m’a envoyé parmi vous pour assister, selon l’usage, à la célébration de sa fête. Profitez de ma présence pour m’adresser les demandes que je lui transmettrai fidèlement.

— Moi, je voudrais voir le soleil, m’asseoir sous un arbre qui me couvrît de feuilles et d’ombre et puis mourir au chant des oiseaux.

— Moi, me promener dans une belle ville, dans Wittenberg, et puis rentrer dans cette caverne.

— Moi, prendre tous mes enfants dans mes bras comme une gerbe de foin, et les embrasser un jour entier.

— Moi, me lancer sur la mer, être emporté par le vent.