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— Ne nous en plaignons pas, Johann, puisque notre excellent électeur l’a suivie dans tous ses détails avec une patience exemplaire.

— Cependant, mon père, je crois m’être aperçu que notre clément électeur, soit lassitude, soit recueillement, a quelquefois fermé les yeux ainsi qu’un homme qui dort.

— Notre prince ne dormait pas, Johann ; il a trop de respect pour lui, pour nous et pour l’église.

— Alors il écoutait bien profondément.

— C’était un devoir, et je ne connais personne, mon fils, qui remplisse mieux ses devoirs que notre électeur.

Dès que les domestiques virent la conversation engagée entre le graf et ses fils, ils se placèrent sur un rang devant la table, saluèrent, et, sur un geste, ils reculèrent jusqu’à la porte, où, après un dernier salut, ils laissèrent tomber la portière devant eux. Il n’en resta qu’un pour avancer trois fauteuils auprès de la cheminée, dans laquelle il jeta quelques poignées de genièvre ; ensuite il se retira.

Bientôt une vapeur odorante se répandit dans la salle. Le graf permit à ses fils de s’asseoir.

L’aîné alla prendre dans une niche cachée derrière un rideau de soie un lourd volume richement relié, posa, quand il fut assis, le pied sur un tabouret, et ouvrit le curieux in-folio.

— Ulrich, commença le graf avec beaucoup d’affection dans la voix, vous n’êtes pas l’aîné de la maison.

— Je ne me suis pas encore aperçu, mon père, que ce fût là une raison pour que vous m’aimassiez moins ; de votre côté, avez-vous remarqué quelque différence à mon désavantage entre rattachement que j’ai pour vous et celui