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La toilette de sa femme consistait dans une petite toque légèrement posée au bord de la tête, si au bord, que l’immobilité allemande seule était capable de la tenir en équilibre. Cette toque était surmontée d’une plume rouge, rejetant ses barbes sur l’oreille, frivole coiffure d’où descendaient des tresses de cheveux engagées derrière les oreilles. Cette liberté de la tête était un contresens avec la lourdeur du reste du costume, qui se composait d’une ample robe de velours, toute guillochée d’or, d’argent, de paillettes d’acier, éblouissante, inflexible, ressemblant par son évasement à une cloche. C’était exactement une cloche, dont la poignée était la tête de l’Électrice, dont les anses étaient les bras qui s’arrondissaient sur cet évasement. Les pieds étaient perdus sous la cloche, les mains dans l’immensité des manches, les manches sous le manteau d’hermine. Au luxe près, toutes les femmes nobles de la Saxe avaient adopté ce costume si peu favorable au développement de la taille et des grâces du maintien.

On comprend ce qu’il y avait de solennel dans ces grandes figures saxonnes, taillées au fond de fauteuils rouges, osant à peine respirer sous le plomb du cérémonial. Froides, uniformément éclairées, silencieuses et blanches, elles étaient comme des statues de cire. Quoique les deux portes de l’église fussent ouvertes, l’air était si doux que la flamme des lumières n’était pas agitée ; elle brûlait droite et rouge sous les voûtes.

Depuis l’arrivée de l’Électeur, plus d’une heure s’était écoulée, et le prédicateur ne paraissait pas. Une consternation muette se peignait sur les visages.

Enfin un pas retentit, un pas précipité.