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Parmi ces barons, celui qui est immédiatement placé derrière le fauteuil de l’électeur porte un nom célèbre dans les guerres, un nom respecté à la cour, mais redouté de ses vassaux. Le baron Eberhard Eberstein, chancelier de l’électeur Frédéric, est un fragment du roc féodal, cette masse de granit écroulée. Sa longue barbe encore blonde descend sur sa poitrine, et termine une figure solennelle, non par l’âge, mais par la majesté du caractère, par l’absence des petites passions, par le calme et l’équilibre des traits. Blonds comme sa barbe, ses cheveux se confondent avec elle et font ressembler cette puissante tête, le long de laquelle coule cette double chevelure, à ces allégories qu’emploient les sculpteurs pour représenter les fleuves. On dirait le Danube. Ses yeux bleus ont l’éclat de la jeunesse ; il ne manque qu’une couronne de fer à ce front souverain.

Ulrich et son frère se tiennent aux deux côtés du fauteuil de leur père Eberhard, et ressemblent, par leur beauté, leurs grâces et leur attitude respectueuse, à ces supports qui entourent l’écusson des grandes familles, à ces anges qui encadrent un fond rouge où passe un lion. Derrière la chaire et dans la longueur des contre-nefs, des bancs destinés aux élèves des différentes écoles de Wittenberg s’élèvent en amphithéâtre. Là s’assiéront les disciples subtils en théologie, les spadassins de la logique, tous juges impitoyables de leurs confrères, beaux esprits qui cumulent en eux l’orgueil d’acteurs et d’auteurs. Déjà quelques-uns apparaissent dans l’ombre et se recueillent en attendant l’heure de ce saint spectacle. Les bancs ne se garnissent que peu à peu.