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Le moine aux pastilles continuait : — L’an passé, monseigneur, vous avez été trop cher.

— C’est trop rigoureux que vous voulez dire, mon frère, ? interrompit le moine aux arguments.

— Trop rigoureux, soit ; en mettant à un prix trop élevé le bénéfice du pardon, on a perdu beaucoup d’indulgences.

— Oui, vous avez raison, répondait le légat, qui priait en calculant et qui calculait en priant ; il vaut mieux admettre cent pécheurs que d’en perdre un seul.

Ainsi arrêté dans son plan de conduite, monseigneur semblait dire : Y a-t-il, bonnes gens, beaucoup d’adultères parmi vous ? Je réponds des voleurs et des impies ; mais les adultères sont-ils nombreux ? — Et mentalement, comme l’avare qui, en marchant, additionne sans fin, avec ses lèvres et avec ses doigts, l’intérêt de l’intérêt de son argent, il murmurait : Oh ! certainement il y a beaucoup d’adultères en Allemagne. Il n’y a plus que cela partout, et puis qui ne l’est pas, adultère ? L’Évangile n’a-t-il pas dit qu’il est déjà coupable d’adultère, celui qui regarde d’un œil d’envie la femme d’autrui ? Oui ! regardez-vous bien, adultères ! Mais ils sont tous adultères, Dieu me pardonne, dans ce pays.

Nous imiterons le peuple de Wittenberg : sans nous arrêter plus longtemps à l’église des dominicains, et afin de varier les amusements de notre soirée, nous suivrons la foule de sermon en sermon, écoutant ce qu’on dit de Dieu au dedans, ce qu’on pense des prêtres au dehors.

La place de l’église des Augustins offrait un coup d’œil singulier. Elle était en grande partie couverte de paysans,