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soumettre bouclaient, en grisonnant un peu dans leurs reflets, sur un front dont l’unique splendeur appartenait aux effets de l’âge. L’âge l’avait élargi en le dégarnissant. Bref, monseigneur avait une tête et pas de visage, et si la comparaison n’était pas une impiété, nous aurions plus tôt fait de dire que le légat de Rome, monseigneur Pandolfi, n’était autre que le vieux Silène en soutane et en rabat.

Escorté de ses gardes, suivi et accompagné de plusieurs moines dominicains, il cherchait dans le peuple les marques d’obéissance et de respect, qu’il avait coutume de rencontrer dans la bonne ville de Wittenberg. Il en eût été d’autant plus flatté, que sa présence à Wittenberg était nécessitée par de plus fortes exigences fiscales que les précédentes années. Au fond, sans qu’il l’eût jamais osé avouer au saint père, la générosité des fidèles allemands commençait sensiblement à se lasser. Cette observation lui était purement personnelle ; il la devait au calcul exact du produit des indulgences basé sur des rapports comparatifs. Par entiers et par fractions, il possédait le chiffre religieux du pays. Voilà pourquoi il ne se dissimulait pas sa crainte de ramasser moins d’argent que de coutume, s’il y avait moins de foi en réalité.

Cependant ce doute n’était qu’un doute. Il comptait puissamment sur les sermons qu’il avait préparés à loisir et à l’ombre d’un parasol sur sa bonne mule romaine ; il espérait aussi beaucoup de trois beaux confesseurs dominicains chargés de prêcher en sous-œuvre les indulgences à Wittenberg. De temps en temps il s’arrêtait pour les considérer, comme ferait un général d’armée de ses meil-