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profession est d’exposer la Somme de saint Thomas, au risque d’exposer, faute d’un haut-de-chausse, le dos à leurs élèves ; des grammairiens affamés enseignant toutes les langues et n’ayant rien à poser sur la leur ; des philosophes sans chemises, et puis des femmes dans des tombereaux pour tous ces gens-là, pour coudre la soutane à l’un, la semelle de ses souliers à l’autre ; pour les aimer tous, pour jeûner avec eux, rire avec eux et manger quand l’occasion s’en présente.

Mais déjà Rome s’efface à l’horizon, la campagne se déploie. Le soleil se lève. À travers les vignes pesantes de leurs raisins mûrs blanchissent des tombes. Des cailles chantent sur les cippes. Ce filet d’eau, c’est le Tibre ; ce point blanc, la maison de Salluste ; là-bas une villa. Cette fumée bleuâtre voile une forêt ; le soleil la découvre, — un temple !

Où va la caravane à travers ces vignes, ces forêts, ces tombes et ces temples ? Elle sort de Rome, et elle va par l’univers prêcher le mérite des Indulgences. Ils sont dix mille. C’est beaucoup, mais la terre a tant de pécheurs !

Au premier port de mer, beaucoup s’embarqueront pour l’Espagne, pour le Portugal ou pour la France ; d’autres longeront les Apennins et iront en Grèce ; le plus grand nombre décrira un coude vers le Nord ; contrées oubliées de Dieu, où le catholicisme s’est levé tard ; avant même ces grandes séparations, la caravane se démembrera insensiblement, et se déversera sur son passage dans les villes, les bourgs, les villages, partout enfin où il y a une croix.

Comme ce moment n’est pas encore venu, nous pouvons