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commis, c’était Marc ; celui qui présidait le conseil de discipline où le délit allait être jugé, c’était Marcelin.

« Messieurs, dit Marc, je ne suis pas un mauvais citoyen, comme vient de l’avancer M. le capitaine rapporteur, mais je suis chimiste. Depuis trois jours je m’occupe d’une grande question qui touche de près à la santé publique ; je m’occupe d’établir, par l’analyse, la quantité de poison qui entre dans les objets de consommation à l’usage du peuple. Ainsi le sel, le tabac, les bougies, recèlent une forte addition de substances vénéneuses, additions pratiquées par les vendeurs, fabricants… »

— Au fait ! s’écria le président.

— Le fait, le voici, répondit Marc. Pour arriver à une solution exacte, j’ai été obligé de soumettre à un feu continu certaines matières ; précisément mon jour de garde est tombé le jour de mon expérience. Pouvais-je quitter mon fourneau ? Si je l’eusse fait, l’expérience était perdue.

— Assez, dit le président, la cause est entendue.

Après avoir recueilli les voix, le président Marcelin condamna Marc à trois jours de prison.

Irrité, le pauvre chimiste détruisit une seconde fois les magnifiques résultats de son expérience. Il eut tort ; mais la colère, le ressentiment raisonnent-ils ?

Le peuple continua et continue à s’empoisonner. De plus en plus indigné de tant de persécutions, d’injustices, d’humiliations, Marc renonça à l’étude de la chimie pour se jeter tête baissée dans le tourbillon de la politique. La conviction, chez lui, s’aigrit en haine, et l’adversaire devint un ennemi. Calme parce qu’il était heureux, Marcelin fut