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vanité trouvaient leur compte, madame Ervasy s’attribuait le mieux apparent de la santé de son mari. Rien ne lui aurait ôté de l’esprit qu’un commencement de jalousie avait amené ce résultat souhaité. Non qu’Ervasy se fût aperçu, et franchement elle osait presque s’en féliciter, de la comédie burlesque à laquelle elle avait intéressé Dauphin, mais il avait dû comprendre qu’elle savait se passer de lui pour se distraire, aller dans le monde, vivre satisfaite. Il avait dû remarquer qu’elle s’était réduite à se contenter dans beaucoup d’occasions de la présence auprès d’elle d’un simple domestique, puisqu’elle avait perdu le mérite d’être pour lui, Ervasy, une compagne utile, indispensable. Elle ignorait que le bonheur dans le ménage éclot de lui-même comme les fleurs dans les forêts ; elles sont simples, mais leur éclat vient d’elles-mêmes, et leur parfum, s’il est petit, ne passe jamais.

Ervasy n’abusait sa femme par le témoignage d’une joie réelle que parce qu’il l’apportait du dehors ; elle en recevait la lumière et la chaleur, mais le foyer n’était pas en elle. Heureux, son mari répandait le contentement tant qu’il durait, mais si Reine Linon ne le lui communiquait pas lorsqu’il la quittait, il n’en avait pas à donner autour de lui. Que de femmes se créent la même illusion ! Elles ne savent pas, étant placées dans la position de madame Ervasy, qu’elles ne sont que des occasions de joie pour leur mari et rarement des causes.

Le moral d’Ervasy était en pleine convalescence et suivait parallèlement les progrès de sa santé, en voie de retour. C’était l’ouvrage de Reine Linon, qui ne s’en doutait pas ; elle faisait le bien sans le savoir. Pourvu qu’Ervasy