Page:Gozlan - Les vendanges, 1853.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses gants, il ne dérange pas son lorgnon. La chique arrive derrière la joue avec une grande délicatesse de mouvements. Quand l’Opéra, en ce qu’il a de fin et de supérieur, chique, il serait injuste de condamner, sans circonstances atténuantes, pour le même délit, le domestique qui chique aussi.

Après tout, les femmes sont admirables en ceci, qu’elles prennent leur parti sur les défauts et les vices des hommes avec une facilité proportionnelle au dédain et à la répugnance qu’elles ont montrés d’abord. Il y a dans l’homme une telle supériorité comme homme, même à la distance la plus éloignée des conditions, ou si l’on aime mieux, et je crois cela plus vrai, il existe dans les femmes un si vaste fond de résignation, qu’un homme est moins repoussé par elles à cause de ses défauts, que tel autre homme en sera accepté pour ses qualités. La femme, c’est la beauté ; l’homme, c’est une arme ; sa plus belle qualité est d’être une arme. En d’autres termes, et généralement, la femme prend un homme, mais l’homme choisit la femme.

Madame Ervasy n’ayant au surplus aucune intention sérieuse d’aimer son chasseur, elle envisagea avec moins d’horreur, après cinq minutes de philosophie, la mauvaise habitude dont elle avait fait en lui la découverte.

Le rideau se leva sur le troisième acte du Diable boiteux, et la porte de la loge se ferma sur le beau Dauphin, qui reprit sa place contre le vasistas, laissé complaisamment à demi ouvert par madame Ervasy depuis le commencement du ballet.

Du coin d’une loge d’avant-scène, le prince aperçu à la soirée du banquier du faubourg Saint-Honoré, avait remar-