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vous demande si vous n’avez pas essayé d’une autre profession, avant d’entrer dans la domesticité ?

— Faites excuse, madame, j’étais coiffeur avant d’être chasseur.

— Ah ! vous avez été coiffeur.

— Oui, madame, coiffeur, dans la Grande-Rue, aux Batignolles.

— Et pourquoi avez-vous quitté cet état ?

— Vous ne le devinez pas, madame ?

— Pas le moins du monde.

— Pourtant…

— Ah ! mon Dieu ! quelle question lui ai-je faite qu’il prend un air si extraordinaire, se dit avec un effroi comique madame Ervasy !

— Non, je ne devine pas pourquoi vous avez cessé d’être coiffeur.

— C’est que j’étais trop bel homme pour cela, répondit Dauphin en ayant l’impertinence de rougir.

Madame Ervasy rapprocha son fauteuil de la balustrade des loges et se dit : Voilà donc les hommes que l’on nous fait aimer dans les livres ! Jamais je ne pourrai me décider à poursuivre la comédie jusqu’au dénoûment.

Au bout de quelques minutes elle se retourna pour voir l’impression qu’avait produite son brusque silence sur le chasseur, beaucoup trop bel homme pour coiffer les gens. La loge était encore ouverte, le chasseur avait repris sa pose immobile à l’entrée. La clarté horizontale du lustre qui frappait sa poitrine élevée et s’appliquait comme un masque de lumière sur son visage d’une coupe antique, d’un ovale athénien, le montrait dans les proportions