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ans, il enferma dans son écrin de velours les insignes de presque tous les ordres des quatre parties du monde. C’est fort bien ! lui disait toujours sa mère, en lui prenant le menton, mais tu n’es pas gentilhomme.

Tant d’or et tant de distinctions sur la tête d’Ervasy lui firent commettre la faute énorme, irréparable de se marier avec une femme aussi riche que lui, se privant par-là du moyen de la surprendre, du plaisir de l’étonner ; il épousa en 1834 la fille d’un munitionnaire enrichi dans la première guerre d’Espagne. Il avait quarante-un ans à l’époque de son mariage, sa femme en avait vingt-cinq. Je l’ai déjà écrit : qu’est-ce que la vie à deux, sans l’acide des contrastes ? Ervasy donna des fêtes pour plaire à sa femme ; mais sa femme connaissait tout ce que les fêtes ont d’attraits divers. Depuis l’âge de dix-sept ans elle ne les aimait plus que comme une habitude et un devoir ; l’habitude d’y aller, devoir de les rendre sous les auspices de son père, qui n’avait jamais cessé de recevoir quoiqu’il fût retiré de l’activité des affaires depuis 1827. Ervasy la conduisit en Italie, croyant la charmer extraordinairement en lui montrant une à une les curiosités de Naples, de Florence et de Rome ; au retour elle lui avoua en riant qu’elle avait reçu ses premières leçons de harpe à Naples, pendant que son père poursuivait auprès de la cour le payement d’une dette contractée envers lui par la ville même sous le règne de Murat, et qu’elle avait étudié la mosaïque à Rome, dans le cloître des sœurs de Sainte-Marie.

Conduire une femme presque Italienne en Italie ! il baissa la tête et fit secrètement, pour se venger de sa méprise, diriger sa chaise de poste du côté de Vienne. Sa femme res-