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seaux. Je n’ai pas de préjugés, mais je ne puis m’empêcher de croire à ce rêve ; il nous faudra écrire demain à nos enfants.


X.

Le rêve de M. Richomme n’était pas un jeu de son imagination. Dix jours après sa nuit prophétique, il reçut une lettre dont l’écriture n’était ni de la main de sa fille, ni de celle de son gendre Fleuriot. Un écrivain public en avait enrichi le fond, d’ailleurs très-laconique, de majuscules sans nombre. Fournisseaux, avec toutes les réserves de sa timidité naturelle, assignait dans ce billet un rendez-vous à l’ex-droguiste. Villeneuve-Saint-George était la ville choisie pour la conférence ; un hôtel bien désigné, l’endroit où l’entrevue se passerait. Rien de plus ; aucun motif n’expliquait le but de l’invitation, si la signature en justifiait pleinement l’utilité. Fournisseaux, qui n’avait jamais écrit de sa vie à personne, n’était pas homme à entrer dans la voie épistolaire pour l’unique plaisir de dépenser du style et de déranger un maître aussi respecté que M. Richomme. Aussi M. Richomme ne balança pas un instant, à se rendre au désir de son ancien commis. Le jour venu, il monta dans sa carriole, et dès six heures du matin, afin d’être de retour aux Petits-Déserts peu avant dans la nuit. Une ponctualité rare les caractérisa tous deux. À Villeneuve-Saint-George, à l’hôtel indiqué, à l’heure dite, M. Richomme fut reçu par Fournisseaux, qui, à l’aspect de son ancien maître, ne put maîtriser un mouvement spontané de tendresse. Il lui sauta au cou, le pressa