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En homme jaloux de son rôle de maître de maison, et, au fond, pour essayer de mettre le feu à la conversation, il vanta beaucoup l’un à l’autre les invités des deux catégories bien distinctes, rangées près de lui. M. Thompsay devait être fier d’avoir pour directeur spirituel un curé aussi éloquent ; l’abbé de La Gâtinière était sans doute édifié de compter parmi ses paroissiens un homme aussi probe que M. Thompsay ; pour lui, il se félicitait d’avoir à passer le reste de ses jours au milieu de si honnêtes gens.

Loin de répondre aux avances polies de M. Richomme, l’abbé de La Gâtinière prétendit qu’il ne connaissait pas de commune plus indifférente au culte que celle dont il avait la conduite religieuse. Les mariages ne rapportaient rien ; les baptêmes se réduisaient à quelques aumônes insignifiantes. C’était une avarice sordide. D’ailleurs la population se composant d’ouvriers, plus portés à boire qu’à entendre les sermons ; il n’avait pas même la consolation d’être écouté en chaire. À cette occasion, il se livra à des allusions dont le sens aurait paru moins voilé à M. Richomme, s’il avait connu pourquoi l’abbé se les permettait en face de MM. Thompsay. Ceux-ci, de leur côté, répliquèrent par la bouche de l’oncle Thompsay, mais avec un flegme magnifique, que, dans les États modernes, la liberté de conscience, établie désormais comme une vérité expérimentale, autorisait chacun à remplir ses devoirs religieux comme il l’entendait.

— Ceci est du pur matérialisme ; riposta l’abbé de La Gâtinière.

— Ceci est du matérialisme pur, répondit en manière d’écho l’abbé Troussier.