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le dragon rouge.

aux rayons de la lune était de la blancheur de celui d’un fantôme.

— Pauvre femme ! murmura Casimire ; elle souffrait tant, elle avait tant souffert !

— Le roi, reprit le marquis, regardait avec une pitié touchante mademoiselle de La Vallière ; celle-ci examinait le roi avec une candeur angélique. Le page respirait à peine, de peur de faire le moindre bruit ; aussi entendait-il toutes leurs paroles, quoiqu’elles fussent prononcées à voix basse et comme on en laisse échapper pendant le sommeil.

Le roi disait :

— Oui, je vous trouve un peu changée, puisque vous tenez si fort à ce que je vous le dise. Vous aviez les cheveux plus longs, sinon plus beaux, il me semble ; c’est qu’on vous les aura coupés en entrant dans cette maison.

— On ne me les a pas coupés, disait d’une voix triste mademoiselle de La Vallière ; je ne les ai jamais eu plus longs.

— En vérité ! ajouta le roi, la main posée sur la tête de la Carmélite ; j’aurais juré que vous les aviez plus longs que madame de… Le roi s’arrêta.

Il y eut un silence de quelques minutes pendant lesquelles le page n’entendit que l’eau de la fontaine tombant goutte à goutte dans la conque du bassin.

— N’est-il pas vrai aussi, reprit enfin mademoiselle de La Vallière, que je parle avec moins de facilité qu’autrefois ?

— Pourquoi cela ? Je ne m’aperçois pas…

— Vous ne voulez pas voir que j’ai perdu les dents de face.

— Vous les aviez trop belles pour cela, dit le roi ; oh, non…

— Je ne les ai jamais eu belles, reprit la Carmélite. Aux soins que je prenais de les cacher, au supplice que je m’imposais pour ne pas les montrer en riant, la cour ne se doutait pas que je les eusse… gâtées…

— Je ne m’en étais jamais aperçu, dit le roi avec l’accent d’une parfaite sincérité.