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le dragon rouge.

Celui-ci s’agenouilla et approcha de ses lèvres, avec autant de respect que d’amour, la main de Casimire.

— Et après cette preuve d’affection me direz-vous encore de ne pas partir ? De quel titre, songez-y, aurais-je jamais le droit de me prévaloir, si je ne m’efforçais d’acquérir la réputation d’un brave militaire ? Je ne puis être que militaire. Et qu’est-ce qu’un soldat qui n’a pas couru les dangers de sa profession ? Quelle opinion auriez-vous, vous-même, Casimire, de ma personne, si je n’allais chercher dans le feu mon grade d’officier ?

— Mais sans courir à la guerre, sans vous exposer à mille dangers, tous affreux, presque tous mortels, mon Dieu ! vous pouvez vous élever bien plus haut.

— Et comment cela ? demanda le commandeur, qui fut étrangement surpris de ce cri spontané de sincérité parti du cœur de Casimire.

— Comment cela ? reprit-elle en touchant au manifeste… Mais elle se souvint du serment qu’elle avait fait à son père, et elle retira aussitôt sa main, comme si elle eût touché à du feu. Oui, vous avez raison de partir, se reprit-elle ; je ne sais ce que je dis ; et vous, pardonnez à mon trouble. Femme, je ne comprends pas comme vous les graves nécessités de risquer sa vie pour se faire un nom ; amie de votre caractère simple, de votre austérité, je…

— Mon amie, enfin…, interrompit le commandeur.

— À ce titre, reprit Casimire toute voilée de timidité, vous concevez que je n’ai pas tout mon calme, tout mon sang-froid. En vous perdant, moi, je perds…

— Ah ! ces larmes ! ces larmes ! s’écria le commandeur, me crient qu’il faut que je me rende digne de vous. Je chercherai la mort partout ; je m’exposerai le plus possible, afin d’attirer l’attention de mes chefs, afin qu’il leur soit impossible de ne pas me rendre justice, une justice éclatante. Je veux revenir… Ah ! si vous pleurez ainsi, je ne partirai pas, s’écria le com-