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le dragon rouge.

— Ce costume est celui que portent les soldats attachés au corps royal des mineurs de l’armée allemande. Dès aujourd’hui j’appartiens à l’Autriche.

— Dès aujourd’hui ? reprit Casimire, qui sentit faiblir son cœur ; mais vous n’aviez, il me semble, que le simple projet d’offrir vos services à cette puissance ? Je n’avais vu dans cette intention qu’un… qu’un projet, enfin.

C’était une résolution sérieuse, dit le commandeur. Depuis que je me suis ouvert à vous, j’ai sollicité à la cour de Vienne, et ma demande a été favorablement accueillie. J’ai reçu l’ordre de partir sur-le-champ pour le corps d’armée rassemblé en Hongrie et destiné à faire le siége de Belgrade, sous les ordres du fameux prince Eugène.

— Si tôt ! s’écria Casimire en froissant le mouchoir jeté sur le manifeste ; si tôt !

— Oui, j’ai été heureux, mademoiselle.

— Quel bonheur ! dit Casimire ; celui d’aller se faire tuer par les Turcs !

— Par les Turcs ou par les Russes, peu importe, au fond, pourvu que ce soit bravement et pour la défense du prince.

— Monsieur le commandeur, reprit Casimire après un assez long repos, j’ai de tristes pressentiments.

— Pourquoi cela ? dit le commandeur en s’asseyant près de Casimire.

— Ils me viennent en vous voyant si découragé. Si vous voyiez comme vous êtes pâle !

— J’aurais tort de vous le cacher, dit M. de Courtenay, j’éprouve en ce moment deux douleurs bien vives : l’une… il s’arrêta.

— L’une ? demanda Casimire à voix basse.

— Vous la connaissez, puisque je viens vous faire mes adieux.

— Oh ! monsieur de Courtenay, ne partez pas ! ne partez pas ! Casimire avait tendu la main au commandeur.