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iii


Cependant, si le commandeur n’avait pas d’autre moyen de voiler la triste individualité du marquis que d’accourir sans bruit pour réparer ses fautes ou l’empêcher d’en commettre, il n’usait pas de la même discrétion envers mademoiselle de Canilly, aux prises avec la brillante corruption de la société où son père, trop absorbé par ses spéculations politiques, ne sentait pas le danger de la laisser. Quand M. de Canilly l’avait gardée pendant une journée entière, auprès de lui, dans son cabinet, lui ayant fait lire sa correspondance avec toutes les fortes têtes politiques de l’Europe, tas de brouillons, de mécontents, de dupes ou d’espions, il croyait sa tâche de père noblement finie, et il ne s’inquiétait guère de savoir dans quel sens se détendrait l’arc qu’il avait si longtemps tendu. Malheureusement pour Casimire, elle comprenait, comme en se jouant, toutes les difficultés auxquelles son père l’initiait. La jeunesse, feu dont l’essence est de dévorer, fait passion de tout.

Casimire apporta d’abord de l’obéissance à ces travaux méditatifs, puis de l’habitude ; enfin elle y prit goût, de même qu’on prend goût aux échecs après les avoir cent fois maudits et s’y être brisé la tête. Son père se servait de son style rapide et clair pour rédiger des Mémoires sur toutes les questions qui lui passaient par la tête : Réduction de l’impôt, Balance du