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le dragon rouge.

— Maman ! maman ! cria une voix qui fit frémir jusqu’à la moelle des os la marquise et Marine.

— Suis-je folle ?

— Non, c’est sa voix ; c’est la voix de ta fille !

Les deux femmes n’avaient pas la force de se mouvoir.

— La voix de ma fille !

— Maman ! maman !

— Léonore ! répondit la marquise sans pouvoir bouger. Ma fille ! ma fille ! ah ! ma fille !

Deux bouches se collèrent et ne parlèrent pas.

Le dragon rouge était adossé contre la porte et il regardait. Il attendait que ces deux statues se fussent disjointes.

La marquise ne l’aperçut que lorsqu’elle entendit sa voix.

— Madame la marquise, lui dit-il avec une ironie grave, j’ai obtenu ce que vous m’avez refusé.

La marquise pressait sa fille entre ses bras comme si celui qui lui parlait avait voulu la lui arracher

— Votre père, M. le comte de Canilly, a ruiné le mien, et j’ai repris sur vous huit cent mille livres dont l’honneur de votre fille me répond. Je les aurai.

Vous avez tué ma famille et j’entre dans la vôtre en épousant votre fille, qui est à moi.

— Jamais ! cria d’une voix étouffée la marquise.

— Vous ne pouvez plus me la refuser, reprit Raoul de Marescreux.

— Misérable !

— Vous ne pouvez plus me la refuser, vous dis-je. Il y a plus, c’est maintenant à vous à me l’offrir, madame la marquise. Vous ne voulez pas que je parle, n’est-ce pas ?

— Tu ne parleras pas ! s’écria une voix qui fit blanchir le visage de tous les acteurs de cette terrible scène.

Cette voix était celle du commandeur.

Il entra dans la chambre tel qu’il s’était montré autrefois au