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le dragon rouge.

projet de parler au roi, vous m’encourageriez à cette démarche, dont le succès, du reste, me paraît certain.

« Votre bien aimante belle-sœur,

« Casimire. »

Un point reste à éclaircir parmi les événements qui se sont passés : qu’était devenue la lettre écrite par la marquise de Courtenay au duc de Bourbon, le soir où elle revint si agitée de la Comédie-Italienne, la lettre dans laquelle elle sollicitait avec tant d’instances la nomination de Raoul de Marescreux comme capitaine dans la maison du roi ? Une heure après l’avoir lue, le duc avait envoyé la nomination à la marquise, quoiqu’il n’eût rien compris à sa conduite. Il n’avait pas oublié avec quelle indignation elle avait repoussé, dans le conseil, la demande du jeune dragon béarnais peu d’heures auparavant. Si de graves soucis ne l’eussent distrait, il eût, avec plus de raison que tout autre, soupçonné quelque intrigue de cœur dans ce conflit de contradictions. Mais le duc se détachait du pouvoir, poussé du pied de plus en plus par l’astucieux abbé Fleury. La faction des vieux l’emportait. On pressentait le moment où la cour l’enverrait méditer sur l’instabilité des grandeurs humaines au fond des ombrages de Chantilly. Ce moment approchait. Le duc pouvait commander les chevaux de poste. Il avait donc expédié le brevet de capitaine sans y attacher la moindre importance. Mais la marquise de Courtenay n’en avait fait aucun usage ; elle l’avait jeté au feu en apprenant la tournure qu’avait prise l’événement de la Comédie-Italienne. Ce qu’elle aurait accordé d’abord au prix d’une prudente faiblesse, il eût été infâme, à elle, de l’offrir alors pour empêcher un duel. Dans cette circonstance, elle aurait eu l’air, en tendant le brevet à l’homme mis à la porte de chez elle, de lui demander grâce pour son mari et pour son beau-frère. Cette pensée ne pouvait lui venir. Le brevet avait été détruit. Seulement, pour ne pas trop se compromettre d’abord, elle s’était horriblement compromise plus tard. Tous les espions