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le dragon rouge.

n’ai peut-être pas assez interrogé le marquis. Pouvais-je le questionner davantage ? fallait-il lui dire : « La vie de votre frère est ma vie ; s’il est mort, je mourrai. Parlez ! parlez ! dites ! est-il mort ? »

Marine entra ; l’expression de son visage disait assez qu’elle n’ignorait pas la funeste nouvelle répandue déjà dans toute la maison.

— Ah ! te voilà, Marine !

— Ma fille, je serais déjà montée te voir si je n’avais craint d’augmenter ton gros chagrin. Je n’ai pas le cœur content aussi… va…

— Tu m’aimes ?

— Demande-moi plutôt si la Seine passe à Saint-Cloud.

— Tu n’as pas peur ?

— Peur ! et de quoi ?

— Tu connais Vincennes ?

— Oui.

— Es-tu allée quelquefois à Saint-Maur ?

— Jamais.

— Alors, c’est impossible.

— Mais explique-toi, que je sache ce que tu veux.

— C’est impossible, répéta la marquise ; il fait si froid, si noir, et puis c’est si loin. Elle alla à la fenêtre, écarta les rideaux. Quel temps ! s’écria-t-elle.

— Mais, ma fille, encore une fois, dis-moi ce que tu veux. Je me jetterais au feu pour toi, tu le sais.

— Eh bien ! il faut sortir à l’instant, tout de suite. Il est plus de minuit. Mais je risque ta vie, chère Marine. N’y consens pas, je t’en prie, refuse. Non ! tu ne peux pas sortir, non !

— Si fait ! je sortirai ; je m’envelopperai dans mon manteau. Dans l’obscurité, on me prendra pour un homme. Est-ce que je crains un homme, moi ? Voyons, vite, où faut-il aller ? J’y serais déjà.

— Ne te l’ai-je pas dit ?