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le dragon rouge.

faisait un signe de faiblesse ou d’incertitude devant leur commun adversaire.

C’est précisément à cette persuasion-là que voulait ramener le commandeur ; il voulait le convaincre qu’il le tuerait s’il laissait voir sa peur. Avec quelles préparations ne venait-il pas de lui communiquer cette détermination ? Il s’était présenté lui-même comme un lâche, lui ! afin de ne pas dire à son frère aîné : Je sens clairement que vous seriez un lâche si je n’étais pas là ; mais je suis là, et je vous tue si vous vous avisez de mollir.

Lorsque le commandeur vit venir vers lui ses témoins et ceux de son adversaire, il leur dit de loin, avec un sourire grave : Nous avons levé, mon frère et moi, une petite difficulté qui vous aura peut-être occupés pendant que vous chargiez les armes. Mon frère aura l’honneur d’engager le premier le combat avec M. de Marescreux. Il a été le premier et le plus directement offensé ; puisse cet arrangement entre mon frère et moi ne pas contrarier les vues de notre adversaire. L’agréez-vous, monsieur ?

Les témoins de Raoul de Marescreux attendirent sa réponse.

Elle fut tout entière dans sa démarche. Il prit le pistolet de la main d’un de ses témoins et s’éloigna à pas lents.

Le marquis de Courtenay se serait bien passé de l’honneur de l’initiative. Il essaya, à cette minute décisive, de balbutier quelques-uns de ces mots dictés par l’instinct de conservation, et dont le courage n’est pas la base ; mais son frère lui étouffa la voix en le pressant contre son cœur, et en lui disant tout bas à l’oreille, dans cet adieu rapide : Souvenez-vous de votre serment ; si vous aperceviez en moi la moindre faiblesse, tuez-moi. Quand il dégagea ses bras, les témoins s’étaient déjà éloignés. Le commandeur laissa alors son frère livré à lui-même au milieu de l’endroit entièrement découvert où ils étaient parvenus en marchant. C’était une plaine enfermée par un vaste pourtour de halliers. À leur droite s’étendait une