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le dragon rouge.

— J’aurai donc l’honneur, poursuivit-il, de vous rappeler, ainsi qu’à vos témoins, monsieur de Marescreux, qu’il est dans mon intention et dans celle de M. le marquis, mon frère, de voir se continuer le combat jusqu’à ce que je tombe, ou jusqu’à ce qu’il tombe lui-même mort sous votre balle.

Le commandeur eut la convenance de ne pas ajouter : ou jusqu’à ce que l’un de nous deux vous ait laissé sans vie sur le terrain. Il ajouta seulement :

— Et celui qui aura essuyé le feu de l’adversaire pourra faire feu à son tour, quelle que soit la gravité de sa blessure, sans qu’il soit apporté aucun empêchement par les témoins. Debout, assis, couché, il pourra tirer sur son adversaire.

— C’est bien ainsi que je l’entends, répondit Marescreux en consultant ses deux témoins dont les fronts se penchèrent affirmativement.

Comme le bras du marquis de Courtenay, qui s’appuyait sur le bras de son frère le commandeur, était caché, ainsi qu’une partie de son épaule, sous le manteau de celui-ci, le mouvement involontaire qu’il fit pour glisser sur lui-même ne fut remarqué de personne ; une pression de résistance, un coup sec le retint à l’instant même comme s’il eût été scellé à un mur par un gond de fer. Le marquis put pâlir, mais il resta debout.

— Je crois me souvenir à mon tour, dit Marescreux, que nous devons marcher l’un sur l’autre et faire feu quand nous le jugerons convenable.

Les témoins n’avaient aucune observation à faire ; les conditions de ce duel ou de ces duels, ne sortant en aucune façon des règles établies ; elles appartenaient tout simplement à l’ordre des duels graves, car il y avait eu outrages publics, soufflets donnés publiquement. Mais, en général, ce genre de duel, très-usité au dix-huitième siècle, qui consiste à marcher l’un sur l’autre, le pistolet à la main, n’offrait pas toujours l’imminence d’un péril mortel ; les deux adversaires avaient