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le dragon rouge.

Dans le désordre de ses idées, elle ne remarqua pas tout de suite que son fils Tristan et sa fille Léonore étaient parmi ses gens, tous attentifs, tous inquiets, tous empressés autour d’elle.

Tristan lui prit enfin la main, Léonore l’enlaça de ses bras, et tous deux lui demandèrent avec instances, en la couvrant de caresses, la cause de ce retour si prompt, si agité. Ils la priaient avec de tendres paroles de les rassurer. Jamais ils ne l’avaient vue si bouleversée.

La marquise ordonna à ses gens de se retirer.

— Mes chers enfants, vous vous méprenez ; il ne m’est rien arrivé de fâcheux. Ne vous alarmez pas ainsi, dit-elle à Tristan et à Léonore, en leur rendant machinalement leurs caresses ; je suis rentrée plus tôt que vous ne m’attendiez parce que ce soir, en partant, j’avais oublié, et l’oubli est inconcevable, d’écrire au ministre sur un objet très-important et très-pressé. Le souvenir de cette omission m’a surprise au théâtre, et j’accours au plus vite pour la réparer. Mais oui, ajouta-t-elle, en jetant les yeux sur la pendule, il en est temps encore. Le ministre reçoit ce soir, ma lettre lui parviendra avant onze heures. Je vais lui écrire.

Il était d’un hasard heureux pour la marquise que le prétexte dont elle se servait avec tant de présence d’esprit auprès de ses deux enfants, afin de couvrir l’extrême agitation de son retour, répondît si bien à l’intention où elle était d’écrire au ministre, aussitôt rentrée chez elle.

— Oui, pensa-t-elle, écrire tout de suite au ministre, et, s’il est possible, réparer par là une partie de la faute que j’ai commise. Quelle faute !

— Léonore, ma fille, du papier !

— Tristan, dites à un domestique de se tenir prêt à sortir.

Tandis qu’elle donnait ses ordres, la marquise arrachait ses gants plutôt qu’elle ne les retirait de ses mains. Elle écrivit sur un coin de la cheminée ce billet au duc de Bourbon :