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xxiii

Je ne saurais trop dire le titre du nouvel opéra qu’on représentait ce soir-là à la Comédie-Italienne, je sais seulement qu’il devait être de quelque compositeur en vogue, et maintenant oublié comme tous les compositeurs en vogue ; car, il est triste de le dire, la plus belle musique d’opéra n’a pas encore duré quatre-vingts ans. Le devant des premières loges, — et toutes les loges étaient construites alors en saillie, — était occupé par les dames les plus riches et les plus nobles de Paris. Des toilettes dont les diamants formaient presque l’unique éclat couraient d’un bout des galeries à l’autre bout et semblaient illuminer la salle, qui ne s’éclairait elle-même que de la lueur plus solennelle que brillante des bougies. Chaque loge enfermait dans son cadre, tout historié de moulures d’or, le personnel d’une famille, assise selon l’âge et la condition sur des tabourets plus ou moins élevés, et rangés à diverses distances les uns des autres.

La présence du jeune dragon béarnais émut la salle comme elle avait ému le foyer. On se le désignait, on se penchait pour le voir, et le sourire d’étonnement que faisait naître son costume était tempéré chez les femmes par une estime secrète pour la beauté de son visage et la grâce de sa tournure. Il produisit une sensation tout à son avantage en affrontant sans audace cet examen admiratif. On le vit se ranger doucement contre le fond circulaire de l’amphithéâtre, et s’avancer à petits pas, de peur de déranger les personnes assises vers l’extrémité de cette