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le dragon rouge.

glais, ni Allemand, ni Suédois, se dirent-ils. Mais qu’est-il donc ? d’où vient-il ?

— N’est-il pas Espagnol ? fit remarquer l’un d’eux.

— Espagnol du temps de Charles-Quint, en ce cas, car nous savons tous que ce costume n’est aujourd’hui celui d’aucun corps de l’armée d’Espagne.

— Sans doute, répliqua celui qui avait émis l’opinion. Mais il a, quoi que vous en disiez, quelque analogie avec le costume espagnol.

— Parbleu ! finissons-en avec nos doutes, dit un des curieux. Demandons-lui, dans chacune des langues que nous connaissons, quel est l’heureux pays qui l’a vu naître.

La proposition passa tout d’une voix, et l’un d’eux se détacha aussitôt pour dire en anglais à l’inconnu :

— De quel pays est monsieur ?

Le jeune officier ne répondit pas.

Un autre s’approcha de lui et lui dit en allemand :

— À l’armée de quelle nation appartient monsieur ?

Même silence.

Un troisième eut son tour. Il dit en italien :

— Monsieur est-il un officier au service de la sérénissime république de Venise ?

Toujours le silence de la part de l’inconnu.

— Demandez-lui, par la même occasion, s’il n’est pas soldat du pape, cria un plaisant du foyer.

Questionné enfin dans la plupart des langues de l’Europe, le jeune homme à la tunique rouge ne daigna faire aucune réponse. Du reste, on ne peut dire si c’est avec sa langue ou avec son gant qu’il aurait dû répondre dans le cas où il lui aurait convenu de le faire, tant le ton avec lequel il avait été interrogé suait l’impertinence. Son calme ne le quitta pas un instant. Aucun pli ne parut à son visage, aucun frémissement ne contracta sa gracieuse main gantée, arrêtée par le pouce, avec une aisance noble, à la jointure de la tunique.