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le dragon rouge.

le fond du béret, très-vaste et d’une forme plate et circulaire, s’abattait sans déranger l’équilibre, et avec une originalité étrange, sur sa joue gauche. Une tige de bruyère, faite avec de la chenille de soie, montait au bord du béret, et paraissait naturelle, tant elle était piquée adroitement dans le velours. Le buste du jeune étranger était serré dans une tunique en drap rouge parcourue sur toutes les coutures d’un galon moitié or et moitié soie. L’or était pâle et la soie était d’une nuance grise, en sorte que ce cordon affectait aux lumières les ondulations d’une couleuvre. Au lieu de bottes ou de bas il portait des guêtres noires collantes et s’attachant à sa jambe à l’aide de plusieurs boucles de jais. Le cuir des guêtres était si doux qu’il moulait la jambe avec l’élasticité d’un bas de soie. Entre le bord de la tunique et l’extrémité des guêtres, qui rabattaient un peu sur les genoux, on apercevait la culotte en drap jaune clair de l’étranger. Un tel costume pouvait étonner à la première vue, mais il aurait fallu être disgracieux comme le duc de Roquelaure pour qu’il ne fût pas porté avec quelque avantage.

Le nouveau venu était un fort beau jeune homme de vingt-huit ans, rose et solide comme un montagnard qu’il était, ayant la taille haute, et se tenant bien sur ses jarrets de fer. Il était brun par ses cheveux noirs tombant sur ses joues, blond par la fraîcheur un peu exagérée de son teint et la douceur de ses yeux, qui avaient la prunelle magnétique du tigre, c’est-à-dire affectant d’être double et comme picotée de vert et de bleu, d’une limpidité sans profondeur. Ses mains, qu’il paraissait avoir fort belles, se dessinaient sous un gant en peau de daim, d’une finesse et d’un éclat que ne savaient pas encore donner à leurs produits tous les gantiers du dix-huitième siècle. Il eût excité beaucoup moins l’attention du cercle où il venait de s’introduire s’il n’eût pas porté un nœud d’or sur son costume inconnu.

Les jeunes gens se demandèrent tout de suite à quelle nation appartenait l’officier debout au milieu du foyer. Il n’est ni An-